Soigner le mal par le mâle

Publié le par Zizanie

Ma diarrhée verbale du jour portera sur l’autre. Ben oui, j’en ai parlé et je n’ai même pas eu la décence de vous le présenter. Ce qualificatif ne sous-entend pas qu’il est insignifiant dans ma vie, mais que, finalement, dans mon esprit, il a toujours incarné l’éternel second.

J’ai rencontré l’autre il y a deux étés de ça, lors de mon séjour dans l’usine touristique que l’on appelle communément Djerba. Je le confesse, lecteur, je ne garde pas d’excellents souvenirs de ces vacances. J’avais fini par me laisser trainer dans un club, vous savez cette cage dorée pour jeunes branchés et vieux liftés. On y est assisté en permanence. On part au bout du monde pour rester confiné dans l’hôtel, à faire trempette dans la piscine en micro-monokini Gucci, à afficher son pré-bronzage aux U.V, alors que la mer est à quelques mètres et enfin, à subir les animations pour beaufs prévues par les gentils organisateurs. Et je te garantis, lecteur, que je n’exagère rien. Je l'ai vu, de mes yeux vu.
Et donc, dans cet enfer touristique, j’ai fait la connaissance d’un groupe de potes qui m’offrait des verres à l’œil. Et parmi eux, il y avait l’autre. Il me faisait mourir de rire, à chanter pour les arbres, à raconter des blagues sans chute, à parler tout le temps pour dire tout et surtout n’importe quoi. J’en avais des courbatures aux abdos de pleurer de rire toute la journée. Il avait refusé les avances de ma cousine, parce que maqué et sérieux. Et au départ, j’avais des vues sur l’un de ses potes, que ma cousine ne s’est pas gênée pour chauffer à mort. Un incident diplomatique familial de plus. Je m’en foutais pas mal, j’étais en vacances pour m’amuser, pas pour tomber amoureuse. Mais c’est vrai, lecteur, que depuis ce séjour, j’ai coupé les ponts avec ladite cousine. On s’éloignait de plus en plus l’une de l’autre, de toute façon et je n’avais plus d’intérêt à cultiver l’hypocrisie. Enfin, c’est surtout parce qu’elle m’a fait un vrai coup de pute, lorsque nous sommes rentrés, bien pire que tout ce que j'aurais pu imaginer.

Ce n’est pas du tout par esprit de vengeance que j’ai commencé à passer tout mon temps avec l’autre. On passait notre journée à se vanner, à imiter Homer Simpson, à massacrer Julio Iglesias, à se passer de la crème solaire, à se faire des papouilles, à fumer des pétards et à boire comme des trous (oui, c’est mal mais je suis en vacances, bordel). On était juste bien ensemble. Comme des vieux potes, en fait. Et ça a dérapé. On sentait que c’était plus qu’un jeu. Je ne dirai pas que c’était inévitable mais c’est comme ça. J’ai craqué. Personne jusque là ne m'avait dragué à coup de : « Tu jettes des petits cailloux avec tes yeux ». La grande classe, quoi. J’adore. J’ai fini par aller le rejoindre discrètement dans sa chambre. Enfin le plus dicrètement possible. En effet, il la partageait avec son cousin (une grande histoire de famille, lecteur). Le cousin en question s’était bien trop murgé toute la soirée pour se réveiller et c’est une grande chance parce que la discrétion n’est pas vraiment mon fort dans ces moments-là. Le lendemain et les jours suivants, on a fait comme si rien n’avait changé. Les autres n’étaient pas dupes mais on s’en tamponnait l’oreille avec une babouche. Ce n’était rien de plus qu’une idylle de vacances. Nous ne vivions pas dans la même ville. Cela dit, les relations à distance : même pas peur. Pour tout avouer, je les cherche inconsciemment, parce que si les enchainer n’est pas un acte manqué, je ne sais pas ce que c’est. Ben oui, une Zizanie, ça a la frousse à l’idée de s’engager. Et puis ce n’était pas la question, d’abord. Il avait une copine, j’avais Tarabas. L’histoire était close. Nous n’avons pas échangé nos numéros de téléphone pour ne pas compliquer les choses. A l’aéroport, on s’est arraché des bras l’un de l’autre. Plus rien ne comptait, pas même les racontars. C’était la dernière fois qu’on se voyait, la dernière. Il allait retrouver sa chérie suicidaire, qu’il ne pouvait pas plaquer, j’allais reprendre le cours de ma vie parisienne et je n’envisageais pas, de toute façon de quitter Tarabas. Et c’était très bien comme ça. J’ai vu son avion décoller. C’était fini.

Un fois à Paris, le manque ne s’est pas estompé. Il hantait mes pensées. Mais je n’avais pas de moyen de le contacter. En outre, ce n’était pas raisonnable. Je n’aurais pas fait irruption dans sa vie, sans crier gare. Il devait m’avoir oublié. Et j’aurai voulu en faire de même. Moi qui me moquais des cœurs d’artichauts, je me prenais le boomerang en plein dans la poitrine. Je suffoquais. J’ai fait taire ma petite voix, je me suis résignée. J’avais presque réussi à le parquer dans les affaires classées.
Néanmoins, je finis par rompre avec Tarabas. Je n’avais pas envie de faire semblant et rien n’était plus comme avant. Un grand vide. L'impression d'être seule. Ensuite, j’ai eu quelques aventures, qui s’apparentaient plus à des one-shots, rien de transcendant.

Tu sais, lecteur, parfois, j’ai l’impression de vivre dans une mauvaise série américaine, pleine de rebondissements. Parce que voilà qu’un jour je reçois un mystérieux coup de fil. Pour une fois que je décroche à un numéro privé… C’était l’autre. Sur le coup, je me braque. Mais l’abruti réussit à me faire rire. Il a récupéré mon numéro en rendant google complice de son pistage. Il m’annonce qu’il a fini par mettre un terme à sa relation. Il m’avoue ne pas avoir cessé de penser à moi. Je suis perdue. Il a envie de me revoir, en tout bien tout honneur évidemment. Bien sûr (et la marmotte…). J’ai envie de le faire languir. S’il me veut, il lui faudra ramer. On ne se revoit pas tout de suite, on passe notre temps au téléphone à s’envoyer un nombre incroyable de textos à l’heure. Pas de mots doux, ou presque. Beaucoup de provocation, de petites phrases assassines. Je fais trainer les choses. Au bout de quelques mois à ce rythme, j’ai fini par céder. Nos retrouvailles ont été à la hauteur de l’attente. Je croyais être amoureuse. Peut-être d’ailleurs, je l’étais.


Le temps a coulé, notre relation s’est érodée. Les instants passés en sa compagnie restaient intenses. J’étais comme dans une bulle. Mais une fois que je retournais dans ma grisaille, je l’oubliais. Parfois même, ses appels me dérangeaient. Rien de comparable avec l’histoire que j’ai vécu avec Tarabas. Tout finissait par se rapporter à Tarabas et ce n’était pas bon signe.

Je n’ai pas besoin de raison pour rompre, j’ai besoin de raisons pour continuer. C’était ainsi que j’ai mis fin à cette vaste fumisterie, il y a un peu plus d’une vingtaine de jours.



Météo intérieure : Soleil de printemps

Dans les oreilles : Pink Floyd - Instellar Overdrive

Sous les yeux : Michel Onfray - Le désir d'être un volcan


Publié dans Soliloques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article