C'est l'heure de rentrer, le bar va fermer
Je discutais avec un ami sur la connerie des gens ou « comment on en arrive à voter Sarkozy ». En fait, c’est parti de « les filles sont pas intéressantes, mais c’est la société qui veut ça, comme c’est la société qui veut que je pense ça ». Ouais, mais la société est faite des gens qui la composent, même si son influence finit par dépasser le groupe, blablabla, on s’en tape.
Il continue avec « ouais mais toi, c’est pas pareil ». Ouais, mais moi, je suis une fille, pourtant, je vis à la même époque et dans le même pays qu’elles. Donc la même société.
Je dis que c’est une histoire d’esprit critique, qu’on a développé ou pas.
Il part sur des histoires de contexte socio-culturel. Certes. Evidemment que. Evidemment qu’il faut l’aider à se développer. Ça ne s’inculque pas, l’esprit critique. Un supporter du PSG qui aurait fait un stage lavage de cerveau pour apprendre à développer son esprit critique n’en resterait pas moins un crétin.
Et puis, même des gens issus de milieux pas forcément favorisés, socio-culturellement parlant, arrivent quand même à le développer. Comment t’explique ça ?
Evidemment, j’exclus d’office l’argument de l’intelligence. Je déteste ce mot. L’intelligence, ça veut rien dire.
Pas celui de la prédisposition. Mais pas de la prédisposition à l’intelligence. Plutôt une question de sensibilité. Je ne parle pas de celle qui te fait chialer à la fin de Titanic, hein. Une manière de percevoir le monde qui nous entoure. Cette sensibilité là.
Il y a des gens qui sont plus limités que d’autres. Des gens qui n’arriveront jamais à voir ce que d’autres voient sans faire d’effort. Des gens qui n’auront jamais suffisamment de recul pour développer leur sens critique. Des gens qui passeront complètement à côté. Et qui pourront vivre très heureux quand même. Il est justement plus difficile de l’être quand on en est pourvu. Pas impossible, hein. On va pas commencer avec les artistes maudits, sinon on n’est pas sorti de l’auberge.
D’ailleurs, les artistes, quels qu’ils soient font partie de la catégorie des gens disposant d’une sensibilité plus développée. Enfin la grande majorité en tout cas. J’irai pas vérifier ce qu’il en est pour Lorie, ça ne m’intéresse pas.
Le monde est coupé en deux, ceux qui le vivent et ceux qui le comprennent. Qui peuvent éventuellement le vivre, accessoirement. Ceux qui ont appris à développer leur sens critique. Et ceux qui ont appris à bêler.
Il y en a qui passeront définitivement à côté. Certaines de mes connaissances, par exemple. J’essaye de lancer des débats, de les pousser à trouver des arguments. Ils restent campés sur leurs positions. Je suis plutôt bornée, comme nana, mais là, c’est juste parce qu’ils sont à court d’arguments. Alors ils te balancent : « Toi, t’es une sale idéaliste, de toutes façons, et le monde, c’est comme ça qu’il marche ! ».
D’abord, je ne suis pas qu’idéaliste. Bon, d’accord, je le suis complètement. Je suis surtout définitivement anticapitaliste, antimilitariste, anticléricale, contre toute forme de pouvoir et de dogmes quoi. Parce qu’estime malgré tout que chacun est capable de penser par lui-même et de savoir ce qu’il lui convient, et que personne n’est plus à même qu’un autre d’exercer un quelconque pouvoir sous quelque prétexte que ce soit. Là, c’est carrément idéaliste et même déconnecté, je vous l’accorde. Et contradictoire par rapport à tout ce que je dis autour, mais j’ai jamais dit que je serai cohérente. Ouais, ça fait beaucoup d’anti. Et pour moi, si libertaire est utopiste, l’utopie n’est pas irréalisable. Et le pire, c’est que j’y crois.
Ces discussions, je les ai eu avec une pote de fac qui a manifestement des idées d’extrême gauche (quand on parle des réformes « sociales », elle est à l'opposé des décisions politiques actuelles, pour situer le truc, elle est aussi pour le blocage de facs, par exemple) mais qui vote à droite. Elle a voté Sarkozy, assume, et me dit que si c’était à refaire, elle le referait sans hésiter. Et qu’elle le réélirait. Ai essayé de lui faire comprendre le paradoxe total de sa démarche, elle n’a pas l’air de saisir. Tant pis pour elle. Qu’elle reste avec ses « dans ma famille, on a toujours voté à droite ». Bref.
Il y a Coloc’ aussi. Individu extrêmement influençable dans tous les domaines. Qui ne fait que te recracher ce qu’il a entendu. Du TF1 en boîte, évidemment. Parce que si tout le monde regarde le journal de vingt heures, c’est qu’il y a une raison, c’est que c’est le plus mieux. Et Vingt minutes, c’est neutre puisque c’est gratuit. Et pourquoi tu vas à ce concert alors que c’est pas connu ? Et Disney, ça, c’est du vrai dessin animé. Et les caméras de vidéosurveillance, c’est pour notre bien. Et un monde sans bourse, ça ne marcherait pas. Et le but de la vie, c’est le bénéfice.
Sur ce, je vais me coucher. Désespérée.
Météo intérieure : Nuit blanche
Dans les oreilles : Alela Diane - Tired Feet
Sous les yeux : MSN