Lost in translation

Publié le par Zizanie

« Coucou Miss, je suis désolée j'avais oublié que c'était ton dernier jour. On peut se voir le week-end prochain ? »
Ecoute moi bien, petit scarabée. Primo, je déteste par dessus tout qu'on m'appelle Miss. Et secundo, j'ai aucune envie de te sauter. Week-end prochain ou pas. J'avais juste envie de prendre du bon temps. Pas de mélanger ma brosse à dent à la tienne. Je suis trop honnête, j'aurais du lui refiler un faux numéro. N'importe quoi, Zizanie. Tu pètes un câble, ma vieille.
Voilà, ça n'a pas commencé que je me suis déjà lassée. Ma cible perd tout son intérêt au moment où je l'atteinds.

De toutes façons, ce week-end, je ne suis pas disponible. J'ai mes poils capillaires à sauver, moi. Et ouvrir au charmant voisin en charlotte rose, vieux t-shirt de geek délavé et parfum à la douce fragrance d'huile d'olive. Ce serait dommage. Un si charmant et nouveau voisin. Qui m'a gentiment invité à entrer dans son appart d'étudiant quand j'ai été chercher mon colis. Enfin celui de Coloc'. Hier, il a sonné à la porte. J'ai pas ouvert mais je sais que c'est lui. J'étais tranquille, vautrée sur mon canapé, devant une chaine de cuisine, dans une tenue anti-glamour au possible. Z'avez dit superficielle ? Certes. C'est surtout le minimum de respect que je peux avoir. Je ne comprends pas les gens qui vont chercher le pain en pyjama.

Et oui, je passe un temps fou à regarder des recettes de cuisine en boucle, ces derniers temps. Pour me faire vomir après. J'ai recommencé à me purger. Des crises de boulimie avec une logique d'anorexique. Ingurgiter un pot entier de cornichons. Faire une orgie de fromage blanc zéro pourcent. M'enfiler quatre ou cinq portions de flocons d'avoine. Et finir tout de même au-dessus des toilettes. Parce que j'ai défoncé le plafond. De calories. Celui que je me suis autorisé. Deux fois déjà. Il faut que j'arrête ça tout de suite. Il faut que je me trouve une occupation. Ça en devient pathétique. Obsession quand tu nous tiens.


Je n'ai pas disparu, je suis toujours là. Je n'ai pas été palettisée. Men
acée de l'être. Ce putain de job est terminé. Parce qu'après avoir passé un mois au service de Grand Gourou, j'ai passé deux longues semaines au service d'une grande marque de téléphones mobiles, d'appareils photo, d'ordinateurs maintenant et surtout de télés, gérée par une boite de logistique installée au milieu de nulle part (comprenez : une zone industrielle perdue au sud du sud de Paris, à côté d'un grand magasin de meubles en kit à l'enseigne jaune sur fond bleu). Les téléphones, je ne les ai pas vu. Par contre, qu'est-ce que j'ai pu contrôlé comme télés. Les palettes de onze de trente-deux pouces, les palettes de vingt-deux de vingt-deux pouces, les palettes de quatre ou six de cinquante, quarante, trente-sept, quarante-deux, etc., etc.. A compter. A scanner. Les litiges. Les « case damaged » et autres « empty » ou « missing case ». A écrire. Les containers. Les chauffeurs slovaques. Les hongrois. Les plombs. Les trente quais de réception. A ouvrir. Les caristes qui friment sur leur Fen'. Les manut' qui se plantent de palette. Et j'ai vite adopté leur langage. Moi qui en avais marre de rester assise, j'ai été servie. Ça change, je peux vous le dire. Je suis passée, en un week-end, d'un job de secrétaire en talons hauts sur de la moquette à un job de contrôleuse en chaussures de sécurité qui font mal dans un immense entrepot. Et j'en ai fait des kilomètres. La première semaine, j'ai frôlé les dix kilomètres par jour. Si bien que, lorsqu'il n'y avait plus rien à faire, ça m'énervait. Et j'allais filer un coup de main aux manut' pour repalettiser les DVD. Les home cinema, j'ai très vite abandonné. C'est lourd, cette connerie. Forcément, quand on passe d'une cinquantaine de camions à une vingtaine, le rythme n'est plus le même.

Ces deux semaines ont été éprouvantes. Surtout parce que j'étais obligée de loger chez les despotes. Pour m'éviter cinq heures de transport par jour. Je veux bien bosser, mais faut pas déconner. Et quand on m'a proposé de rester encore une semaine ou deux, j'ai poliment mais fermement refusé.
« Pour une fois qu'on trouve une bonne contrôleuse ! »
Eh les gars, faut pas déconner, il est pas sorcier, ce boulot. En une demi-journée, j'étais autonome, il paraît que c'est du jamais vu. Ouais mais nan, c'est pas parce que je me donne à fond que j'ai envie de faire carrière là-dedans. Si c'est pour entendre des nanas de mon âge qui rentrent de congé maternité parler de leur progéniture à longueur de journée. Pouah. Et puis j'ai des cours qui m'attendent, hein. Et mes flirts à négocier en douce. Pour cause de géniteur dans les parages. Ben oui, on se refait pas. Et j'ai plus que jamais besoin de me prouver que je peux plaire. D'où Tintin. Sans intérêt évidemment. Ce n'est pas son Fen' qui m'a impressionnée. Je passe le temps comme je peux. Et séduire est une activité comme une autre. C'était tordant de le voir flipper. A cause de mon père. Rien de sérieux, rien de concret, juste du jeu. Nos pauses prises en même temps. Quelques calins furtifs. Rien d'autre que de l'adrénaline, en fait.

Et puis Leeloo, à qui j'ai fini par m'accrocher. Très vite. On n'a pas eu le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'on avait déjà du mal à se séparer. Envie permanente de l'avoir dans mes bras. Envie de sentir l'odeur de ses cheveux. Envie d'avoir sa peau au bout de mes doigts.
On s'est rencontrée le jour où Tarabas m'a annoncé qu'il avait trouvé un appart à Paris et qu'il déménageait courant septembre. Coincidence ou pas, conséquence de ou pas, toujours est-il qu'il faut maintenant que je compte avec elle.
Je ne pense pas être amoureuse, c'est juste un coup de coeur. Une passion express. Une relation intense qui n'est pas faite pour durer. Qui ne durera pas. Je le sais. Je le sens. Je me connais. Elle a créé le manque. Elle a créé le besoin. Elle m'a tourné la tête. Et m'a accroché un énorme sourire niais sur le visage. J'ai des courbatures aux zygomatiques. Je suis sous son emprise. Je me laisse envoûter. Je sais que je risque de le payer cher.

Seulement, l'histoire n'en est pas tout à fait une. Leeloo n'assume pas. Leeloo est une jolie fille qui plait aux mecs et qui se demande pourquoi elle irait tout compliquer en se mettant officiellement avec une fille. Attention Zizanie, elle est dangereuse. C'est un poison, cette nana. Ouvre les yeux, vite fait.
Leeloo se cherche. Leeloo fait croire qu'elle se cherche. Leeloo est une manipulatrice, aussi. Ça se voit. Et c'est pour ça qu'elle m'attire.



Météo intérieure : Brouillard

Dans les oreilles
:
Mylène Farmer - Je m'ennuie

Sous les yeux : Ann Scott - Héroine

Publié dans Soliloques

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Commenter cet article
C
visiblement tu consacres un prochain temps à Scott c'est que tu dois bien aimer même si aucun autre commentaire n'a figuré sur superstars. Leeloo badaboom manipulatrice, tu dis qu'elle sait ou mener la danse mais en contre partie tu dis savoir comment elle finira. " Je le sais". Et si tu tentais d'avoir moins d'évidences et de te laisser totalement envouter. Allez. Don't be affraid.<br /> J'men vais dans les montagnes pendant un moment, ma première pause depuis des lustres, une vraie Cure, à bientot.
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Z
<br /> J'aime beaucoup la plume d'Ann Scott. Mais je ne sais jamais quoi dire sur les bouquins que je lis.<br /> Beaucoup de mal à perdre le contrôle.<br /> <br /> Bonne pause alors, profites-en bien.<br /> <br /> <br />