L’optimisme, c’est le tabouret des pendus

Publié le par Zizanie

Je freine des quatre fers. Je reste cloitrée chez moi. J'ai repoussé le rendez-vous prétexte que j'avais organisé avec la despote. Je fais au moins deux crises par jour. Donc deux purges. Dont une le matin, avant de me coucher, et l'autre en me réveillant le soir. Le pire, c'est que ce que j'avale n'est même pas orgasmique. Loin de l'être.
Et évidemment, ma langue refait des siennes. Mais tant pis. Parce que je suis mal partie pour arrêter de criser. Je suis complètement dévastée à l'intérieure. Et c'est le seul moyen de garder un minimum de contrôle.

Sortir me fait peur. Mercredi, je me suis fait violence. Et j'y suis parvenue, parce que vingt minutes à pieds, le soir, et pas de transports à prendre. Parce que l'enjeu en valait la peine. Une action en foyer de jeunes travailleurs.
Quand j'enfile mon t-shirt d'animatrice prévention, je me sens vraiment bien. Même si je bafouille, même si je n'arrive pas à dire les choses comme je le voudrais, même si ça les fait rire, même s'ils ne m'écoutent pas parce qu'ils sont en train de jouer avec le Fémidon, je ne me sens jamais ridicule. Un peu frustrée parfois, peut-être. Mais je m'y sens à l'aise. A ma place. Ce n'est jamais la même chose. Ils ont des réactions différentes à chaque fois. Tu es constamment obligée de te remettre en question.

Moi le glaçon sur pattes, j'apprécie vraiment ce contact. Ils me font rire, me touchent, m'étonnent. Je ne me sens pas en danger, je n'ai pas besoin de dresser des barrières.
Certes, il m'arrive d'être bouleversée, de ne plus y croire, de ne plus me faire confiance. Mais ça passe. Je ne me sens pas encore tout à fait prête pour refaire une action dans le milieu de la prostitution. Parce que je ne m'y sens pas efficace.

Je suis pas loin de refaire une crise. La deuxième en trois heures, donc. J'essaye de tenir bon. Je ne pense pas pouvoir résister. Ça m'obsède. Ce paquet, pas encore entamé. Ces restes, dans le frigo. Trop tard. J'ai foncé dans la cuisine, j'ai pris le temps d'ôter mon piercing, j'ai pris le temps de boire un maximum d'eau. Le genre de crise quasiment planifiée. Ma boulimie est une soupape de sécurité. Elle me soulage, me réconforte. Je n'ai pas envie de m'en débarrasser, je serais incapable de faire face sans. J'ai besoin d'elle. Je ne peux pas m'en passer. Je ne peux pas éviter les crises. Je n'en ai même plus envie.

Je me sens bien qu'à partir du moment où mon estomac est à nouveau vide. En dépit des joues de hamster. Et les coups de poignard dans l'estomac. Je sais que je ne pourrai pas continuer longtemps.
Pour le moment, c'est la seule parade que j'ai trouvé. Elle m'évite de fondre en larmes toutes les cinq minutes. De me mettre la tête à l'envers continuellement.
Coloc' me reproche mes crises. Il ne comprend pas. Il pense que c'est un nouveau régime. Il me reproche de vider les placards. Il me reproche de monopoliser la salle de bain. Il me reproche de gâcher la nourriture.
Je n'en ai plus rien à faire.

Peu importe. J'ai accepté de voir Midona demain. Je ne sais pas trop pourquoi. Parce qu'elle me l'a demandé. Parce que ce sera une occasion de plus de me détruire. De l'intérieur. D'achever le peu d'estime de moi qu'il me reste.
Ce sera aussi une occasion d'arrêter de penser.
Je suis tellement blasée que je ne ressens plus rien. Je n'ai plus envie de rien. Encore moins d'elle. J'en ai tellement rien à faire. Pourquoi pas. Sans conviction.



Météo intérieure
 :
Mer d'huile

Dans les oreilles :
Marie Cherrier - La funambule

Sous les yeux
 :
Queer as folk

Publié dans Soliloques

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