Road movie, ou comment atterrir au fond du Grand Canyon en deux heures et neuf minutes

Publié le par Zizanie

Suite à ce qu'il s'est passé quelque part sur la blogosphère, je suis maintenant obligée de faire mon coming-out ici. Je connais les dialogues de Cruel Intentions par cœur. En anglais et en français. Voilà, c'est dit. J'assume presque. Je n'irai pas jusqu'à vous raconter comment j'en suis arrivée là.

Il fallait bien que je commence cet article par quelque chose. Et c'est pas mon week-end qui va m'aider. Deux nanas dans une voiture, ça a un goût filmographiquement déjà vu. Parce que malheureusement, je ne peux pas me référer tout le temps à Cruel Intentions. Ou à Gossip Girl. Je viens seulement de regarder le dernier épisode de la deuxième saison, et - attention spoiler - Chuck m'a beaucoup déçu. Je déteste les happy ends. C'est trop niais. Je me suis enfui mais c'était pour aller te chercher tes macarons préférés à Paris. Pfff. Les larmes de Blair, c'était plus marrant. Non mais merde quoi, pourquoi il faudrait absolument lui faire cracher son « je t'aime ». La tension des non-dits est beaucoup plus intéressante. Et avec ceci ? Un bouquet de fleurs. Et redis-le moi encore. Eurk.

Je rentre avec des souvenirs plein la tête. Des fous rires plein la gorge. Des ampoules plein les pieds. J'aime les bagnoles. C'est d'ailleurs le seul point commun aux deux films. La Ford Thunderbird convertible de 1964 et le Roadster Jaguar de 1956 font partie de mes rêves d'ado. J'aime les bagnoles, mais je déteste rouler en passagère. Et comme j'ai aucune envie de passer mon permis, ça risque pas d'évoluer. Si j'arrive à passer outre mes fantômes, un jour, je remonterai sur une moto. Un jour, je passerai mon permis. Un jour, j'aurai une bécane. Un jour, je ne ferai renverser par une voiture.

D'ailleurs, autant vous éviter des dépenses inutiles : les trucs à bases d'homéopathie ou de points d'accupression destinés à guérir le mal des transports sont inefficaces. J'avais l'estomac qui roulait sur lui-même. Quand Jolene prenait les virages à toute vitesse. La vitesse ne me dérange pas, bien au contraire. Mais mon estomac n'aime pas quand ça tourne. Lève le pied dans les virages, Jo, bordel ! Ou bien je refais la déco intérieure de ta caisse.

J'avoue tout. Mon petit plaisir en voiture, c'est les insultes. Contre les poids lourds qui prennent le cligno pour de la lumière d'ambiance et qui se rabattent sans prévenir. Bon évidemment, quand tu les retrouves sur une aire d'autoroute à trois heures du matin, c'est moins marrant. Surtout quand ce sont deux nanas qui ont décidé de boulotter une banane, parce qu'elles ont la dalle. Et qui sont prises d'un fou rire inextinguible, parce qu'elles sont épuisées (ou pas). Même pas peur des réflexions à la con. Même pas peur des réactions de machos à l'ego viril mis en péril. Après tout, qu'est-ce qu'il pourrait m'arriver ?

J'ai envie de citer Despentes, une fois encore.
« J'en ai rien à foutre de leurs pauvres bites de branleurs. J'en ai pris d'autres dans le ventre et que je les emmerde ! C'est comme une voiture que tu gares dans une cité, tu laisses pas des trucs de valeurs à l'intérieur si tu ne peux pas empêcher qu'elle soit forcée. Ma chatte, je ne peux pas empêcher les connards d'y entrer, j'ai rien laissé de précieux. Ce n'est rien qu'un coup de queue et qu'on n'est jamais que des filles. »

Et je n'ai pas peur de mourir. Ni d'avoir mal. Alors bon. Advienne que pourra.

Je la découvre. Cette nana n'a pas fini de m'étonner. Elle est surprenante. Un petit bonbon acide. Une tête brûlée. Clin d'œil.
Lorsque je lui ai annoncé mon départ programmé, elle m'a répondu : « Va refaire le monde, poupée, t'as un karma de justicière en justaucorps fluo. »
Et c'était avant l'apéro. Et la bouteille de Riesling qu'on s'est sifflée chacune. Avant de se bâfrer de grillades de poivrons et d'aubergines à une heure du mat', en manquant de foutre le feu au balcon. Avant d'aller faire l'amour sur les rochers de la Bocca (j'ai toujours eu horreur du sable). De se griller une clope, les pieds dans l'eau. De rentrer en rampant, terminer la soupe champenoise (qui ne contient aucun légume, je précise, faudrait pas qu'on ait l'air de manger sainement), et s'endormir sur le canapé-lit avant de l'ouvrir.
Je déteste la côte d'Azur plus que n'importe quelle autre région. Ces moments passés avec elle, je n'ai envie de les brader à aucun touriste, cagole, routier ou con. Coup de soleil, gueule de bois, sable qui colle, œdème, mal au cœur. Ouais, parce qu'à cause de cette foutue chaleur, je me suis retrouvée avec des chevilles de femme enceinte. Dieu me tripote. Manquait plus qu'un bon petit melasma et j'étais bonne pour la préparation à l'accouchement. Heureusement que j'ai choisi le Nord. Et une fille. Instinct de survie.



Météo intérieure
 :
Marées

Dans les oreilles
 :
Marianne Faithfull - The Ballad of Lucy Jordan

Sous les yeux : L'horizon


Publié dans Soliloques

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C
Texte très agréable à lire.<br /> pensées.
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Z
<br /> Merci.<br /> <br /> <br />