Un cheveu sur la soupe
Non, je ne suis pas encore morte. Tu ne vas pas te débarrasser de moi comme ça, lecteur.
Il se trouve que je n’avais ni le temps, ni le courage, ni l’envie de venir glisser une petite bafouille.
Pour tout te dire, j’ai trouvé du boulot. Ça s’est fait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. La vacataire prévue leur ayant fait faux bond, je me suis retrouvée à remettre à jour mon CV, à l’envoyer, à préparer tout un tas de papiers pour le contrat en à peine une heure. Et j’avais rendez-vous le lendemain, à l’aube.
Moi grande fille, moi pas peur. Mais le trouillomètre qui explose quand même.
Je n’ai pas vraiment eu le temps de réagir. Ce qui fait que je me suis retrouvée balancée au milieu d’un régiment de fonctionnaires. A apprendre quantité d’informations à une vitesse éclair. Un bureau, un téléphone, un ordinateur. Je remplace la secrétaire durant ses congés.
Euh. Je n’ai jamais fait ça, moi. Et on m’en demande beaucoup, et très vite.
Les reproches déguisés pleuvent. Je sais bien que je fais du mieux que je peux. Mais je ne peux m’empêcher de me remettre en question.
Je regrette vite de m’être engagée là-dedans. Mais j’irai jusqu’au bout. Parce que je n’ai jamais abandonné.
S’ajoute à ça, Iznogood, l’adjointe au chef, qui prend plaisir à me mettre une pression énorme alors que je viens à peine d’arriver. Elle est dangereuse. Elle a l’art de te détruire sans jamais y mettre les mots. Le ton de sa voix me reproche les erreurs qui ont été faite par la précédente vacataire (en l’occurrence Pif-Pouf, ma pouffe de cousine, mais c’est une longue histoire), alors qu’elle sait parfaitement que je débarque. Elle transfère toutes les critiques qu’elle reçoit du Grand Manitou sur mes épaules.
De toutes façons, dès le début, la pression était déjà là. Je succédais à Pif-Pouf la pouffe. La cousine avec laquelle je suis en froid depuis plus de deux ans. A la même place, dans le même service. Et on n’a cessé de me louer son efficacité. Elle les a énormément aidés. Je dois passer derrière. Je n’ai pas d’expérience. Je suis bien moins organisée, bien moins faite pour ce travail, je serai médiocre.
En outre, j’ai été pistonnée par sa mère. Peur de décevoir. Peur que ça retombe sur elle.
C’est devenu un compte à rebours. Plus que trois semaines.
J’ai de grosses montées de stress. La boule dans le ventre au réveil. Et ça ne m’étais pas arrivé depuis mes dernières années dans un lycée traditionnel. Toute cette scolarité là, avant que je débarque dans l’alternatif, je l’ai passée avec l’estomac noué, tendue durant tout le trajet en métro.
J’ai oublié de poser ma matinée pour ma pré-rentrée. Du coup, j’ai paniqué. Et finalement, je me suis dit que je n’irai pas. En revanche, il ne faut pas que j’oublie de le faire pour mon inscription.
Je me sens tellement mal à l’aise là-bas. Je prends sur moi, en me disant que j’en ai que pour un mois. Que j’aurais un pauvre SMIC mais un SMIC quand même à la fin du mois. Que j’aurais une ligne en plus sur mon CV. Que ma place sera presque assurée, l’an prochain. Que voilà, donc.
Je bosse pour le gouvernement. Et je l’ai en travers de la gorge.
En même temps, je n’ai pas à me plaindre. Elle va se taire, la petite occidentale, oui ?
Il ne faudrait pas qu’elle me cherche trop, l’Iznogood. Parce que sa voix mielleuse et hypocrite, je ne vais pas la supporter longtemps.
Mes larmes montent pour un rien, la fréquence de mes crises augmente. Je ne sors plus du bureau, même dans mes rêves. Ça me hante constamment.
Trois semaines, c’est rien.
Alors voilà. Je sais que je devrais écrire plus. Mais je suis tellement fatiguée, nerveusement surtout, en rentrant le soir. Je n’ai pas la force de me planter devant une page blanche.
J’essayerai de faire un effort, mais je ne garantie rien.
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